Abandon de poste : procédures et conséquences sur le contrat de travail

chloe.larmignat

L’abandon de poste peut entraîner de lourdes sanctions disciplinaires pour un salarié. En cas d’absence, ce dernier dispose de 2 jours pour aviser son employeur de son manquement à son poste de travail. Toutes les absences non justifiées ne découlent pas pour autant sur un licenciement pour abandon de poste. Quelles sont les procédures à suivre ? Que dit la loi “Marché du travail” sur l’abandon de poste considéré comme une démission ? Découvrez notre guide complet sur l’abandon de poste et ses conséquences.

Qu’est-ce qu’un abandon de poste ?

L’abandon de poste est caractérisé par le comportement d’un salarié qui quitte son poste de travail sans justificatif d’absence ou autorisation de son employeur.

Abandon de poste : définition

Il n’existe aucune définition de l’abandon de poste dans le Code du travail. Ce mode de rupture du contrat de travail n’est donc à ce jour pas encadré par des dispositions légales. La jurisprudence cadre cette notion de la façon suivante. Est considérée comme un abandon de poste l’absence injustifiée ou répétée d’un salarié, sans accord ou concertation de l’employeur, et qui de fait n’honore plus les termes de son contrat de travail.

Quelle est la durée à partir de laquelle l’abandon de poste est considéré ?

Le délai raisonnable pour caractériser un abandon de poste est de 48h. En effet, c’est le délai dont dispose le salarié pour justifier son absence auprès de sa hiérarchie pour un arrêt maladie ou en cas de force majeure.

À noter : sont aussi considérées comme abandon de poste des absences ponctuelles ou étalées sur plusieurs jours et le départ anticipé d’un salarié s’ils ne sont pas justifiés.

Les motifs d’absence légitimes : des exceptions à l’abandon de poste

L’absence injustifiée ne revêt pas toujours le caractère d’abandon de poste. Pour éviter un licenciement abusif, il est conseillé de vérifier que l’absence n’entre pas dans l’un des cas suivants :

  • Le départ précipité du salarié pour se rendre au chevet d’un proche mourant ;
  • Le droit de retrait exercé par le salarié pour des raisons de santé ou de sécurité ;
  • Le non-retour du salarié après un arrêt maladie prolongé si l’employeur ne l’a pas convoqué à une visite médicale de reprise.

Les différents types d’abandons de poste

Dans le cadre d’une période d’essai, l’abandon de poste du salarié met immédiatement fin à celle-ci. L’abandon de poste en CDI expose le salarié à une rupture de contrat avec ou sans versement d’indemnités. Dans le cadre d’un abandon de poste en CDD, cela revêt d’une sanction disciplinaire sans versement d’indemnité de fin de contrat (aussi appelée indemnité de précarité).

L’abandon de poste dans la fonction publique est un cas à part, cela s’apparente à un manquement à l’obligation de servir. L’agent s’expose à un arrêté individuel et à une radiation sans procédure disciplinaire.

Dans certains cas, salarié et employeur concluent un abandon de poste arrangé. C’est une alternative peu recommandable à la rupture conventionnelle qui consiste à éviter le versement de l’indemnité spécifique de ce mode de rupture du contrat de travail. Ce type d’abandon de poste est préjudiciable au salarié et est passible de condamnation devant le conseil des Prud’hommes.

Licenciement pour faute dans le cadre d’un abandon de poste

Si aucune issue n’est trouvée avec le salarié pour une reprise du travail, l’employeur peut envisager un licenciement pour abandon de poste.

L’employeur a-t-il l’obligation de licencier le salarié ?

L’employeur n’a aucune obligation de licencier le salarié dans le cadre d’un abandon de poste. Il peut lui demander de justifier son absence, le mettre en demeure de reprendre le travail, ou encore entamer une procédure disciplinaire à son encontre. Cette dernière peut conduire à une mise à pied, un avertissement, ou un licenciement.

Combien de temps l’employeur a-t-il pour réagir ?

Dans le cadre d’un abandon de poste, combien de temps a l’employeur pour déclencher une procédure de licenciement ? Cette question est importante puisque le licenciement pour abandon de poste revêt un caractère grave et urgent.

Selon la jurisprudence, l’employeur dispose d’un délai de huit semaines, à compter de la mise en demeure, pour engager la procédure de licenciement.

Si le salarié est en abandon de poste et qu’un délai de 2 mois est dépassé, la procédure de licenciement présente un vice de forme. Le licenciement pour faute grave pourra être requalifié en faute simple, ou en simple absence injustifiée.

Abandon de poste : faute simple ou grave ?

Le licenciement pour abandon de poste peut intervenir sous deux formes : 

  • licenciement pour faute réelle et sérieuse (ou faute simple)
  • ou licenciement pour faute grave.

Les conséquences pour le salarié ne sont pas les mêmes.

Dans le cadre de la faute simple, le salarié conserve son droit au préavis et à son indemnité de licenciement. La faute grave, ou lourde, est justifiée par une absence qui entraîne une désorganisation de l’entreprise, ou qui intervient après un refus d’autorisation d’absence de l’employeur. Dans ce cas, le salarié est privé de ses indemnités de licenciement et de préavis.

Quelle est la procédure en cas de licenciement pour abandon de poste ?

En cas de constatation d’absence injustifiée d’un salarié, l’employeur est tenu de prendre des mesures avant de déclencher toute mesure disciplinaire. Celui-ci doit rassembler les preuves de ce manquement au contrat de travail. Il doit également essayer de prendre contact avec le salarié pour connaître les raisons de son absence. En l’absence de réponse, une procédure de licenciement pour abandon de poste peut alors être enclenchée.

Mise en demeure du salarié

Le licenciement pour abandon de poste doit respecter un certain formalisme. La première étape est d’envoyer une mise en demeure de reprendre le travail au salarié concerné. Ce courrier est envoyé par lettre recommandée avec accusé de réception.

Convocation à l’entretien préalable au licenciement

À défaut de réponse, l’employeur peut envoyer une convocation à un entretien préalable au licenciement. Cette lettre recommandée (ou remise en main propre) doit être remise au salarié dans les deux mois qui suivent le comportement fautif.

L’entretien préalable au licenciement

La date de l’entretien préalable au licenciement doit être fixée au plus tard cinq jours ouvrables après la réception de la convocation par le salarié. L’employé peut se faire assister durant l’entretien par une personne de son choix appartenant à l’entreprise, ou par une personne extérieure (liste disponible auprès de l’inspection du travail).

L’employeur expose les motifs du renvoi envisagé, et recueille les propos du salarié quant à son comportement. En cas de non-présentation du salarié à l’entretien, la procédure de licenciement suit son cours.

Notification du licenciement pour abandon de poste

Si l'employeur décide de licencier l'employé, il doit notifier sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette lettre doit préciser les motifs du licenciement, la date à laquelle le contrat prend fin et les droits de l'employé en matière de préavis et d'indemnités de licenciement.

À noter : l’employeur ne peut envoyer la notification du licenciement au salarié moins de deux jours après l’entretien. En outre, elle doit être envoyée dans un délai d’un mois.

Abandon de poste et nouvelle loi 2023 : la présomption de démission

Parue au Journal officiel le 22 décembre 2022, la nouvelle loi "Marché du travail" apporte une nouvelle alternative à l’employeur. L'article 4 de la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 prévoit désormais une présomption de démission dans le cadre d’un abandon de poste. 

Abandon de poste considéré comme une démission : la nouvelle loi "Marché du travail"

Dans les faits, l’employeur est toujours tenu d’adresser une mise en demeure au salarié. Cette dernière a pour objet de demander au salarié de justifier son absence, ou de reprendre le travail dans les délais fixés.

En vertu de l’article L. 1237-1-1 du Code du travail, est présumé démissionnaire, tout salarié qui, a l’expiration du délai fixé, ne reprend pas son travail après l’avoir quitté de son plein gré.

À noter : un décret à paraître doit déterminer les conditions d’application de cet article et le délai dont dispose le salarié pour reprendre son poste. En attendant, l’employeur est contraint de procéder à un licenciement s’il souhaite mettre fin au contrat de travail.

En outre, cette présomption de démission ne s'impose pas à l’employeur. Il conserve la possibilité de procéder à un licenciement pour faute.

Le salarié peut contester la présomption de démission

La rupture du contrat par présomption de démission prive le salarié de ses indemnités de chômage.

Le salarié dispose donc de la possibilité de contester la rupture de son contrat de travail devant le conseil des Prud’hommes. Le juge dispose d’un délai d’un mois, à compter de la date de la saisine, pour statuer.

Le juge se prononce en se basant sur la nature de la rupture du contrat de travail (licenciement, prise d'acte ou démission) et ses conséquences. S’il donne raison au salarié, la rupture du contrat sera requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle donnera lieu au versement d’indemnités, de dommages et intérêts et à l’ouverture des droits à l’assurance chômage.

L’employeur doit donc s’assurer avant d’entamer cette procédure que l’absence du salarié ne présente pas un motif légitime.

Quelles sont les conséquences d’un abandon de poste ?

Suspension du contrat de travail et du salaire, procédures disciplinaires, licenciement, impossibilité de travailler ailleurs, etc. sont autant de conséquences pour le salarié suite à un abandon de poste. Cela entache également la réputation du salarié auprès de ses futurs employeurs.

L’employeur peut-il suspendre le paiement du salaire ?

Lorsqu’un salarié quitte ou est absent de son poste de travail, sans motif légitime, il ne perçoit pas de salaire. En effet, cette absence suspend le contrat de travail. L’employeur est néanmoins tenu de vérifier que le salarié ne dispose pas d’un motif légitime pour opérer cette suspension de salaire.

Le salarié peut-il signer un contrat pendant un abandon de poste ?

Pendant toute la durée de la procédure d’abandon de poste, le contrat de travail qui lie le salarié à l’employeur n’est pas rompu. Le salarié ne peut donc pas exercer un autre emploi ni être demandeur d’emploi, puisque non libéré de ses obligations.

Le versement de dommages et intérêts au profit de l’employeur

Le salarié qui abandonne son poste de travail peut être condamné à verser des dommages et intérêts à son employeur. En effet, ce dernier peut saisir le conseil de Prud’hommes et apporter des preuves d’un préjudice organisationnel, matériel ou que le salarié a agi dans l’intention de nuire à l’entreprise.

Abandon de poste et chômage, est-ce compatible ?

Selon Pôle emploi, le licenciement d’un salarié, peu importe le motif, est une privation involontaire d’emploi. Ainsi, le type de licenciement n’a pas de conséquences sur le droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE). Il faudra néanmoins que le salarié remplisse les autres conditions d’accès (avoir été salarié au moins six mois au cours des 24 derniers mois, être en recherche active d’emploi, ne pas avoir atteint l’âge requis pour une retraite à taux plein, etc.).

En cas de présomption de démission, le salarié ne peut en revanche pas prétendre à une indemnisation de la part de Pôle emploi.

Quel est le mieux : démission ou abandon de poste ?

Avec la nouvelle loi "Marché du travail", la démission et l’abandon de poste constituent tous deux une rupture unilatérale du contrat de travail à l’initiative du salarié.

Si votre souhait en tant que salarié est de quitter définitivement votre employeur, la démission est préférable. Vous ne vous exposez ainsi pas à une procédure longue sans percevoir de salaire. La démission exclut également le risque de devoir verser des dommages et intérêts à l’entreprise.

Enfin, vous serez libre plus rapidement d’exercer un nouvel emploi, sans entacher votre réputation professionnelle.

Que faire si l’employeur ne réagit pas à un abandon de poste?

Vous êtes absent de votre poste de travail depuis plusieurs jours et votre employeur ne réagit pas ? Il vous est possible de patienter encore, de retourner travailler ou de prendre conseil auprès d’un avocat spécialisé en droit du travail.

Selon le motif de votre absence, ce dernier vous exposera la procédure idéale qui s’offre à vous pour rompre votre contrat de travail.

Abandon de poste en 2023: ce qu’il faut retenir

  • La nouvelle loi "Marché du travail" vise à mettre fin aux dérives de l’abandon de poste qui désorganise les entreprises et les contraint à procéder à des licenciements.
  • La présomption de démission est justifiée en cas d’absence du salarié, malgré l’envoi d’une mise en demeure pour reprendre son travail ou justifier de son manquement.
  • L’employeur conserve la possibilité d’opérer un licenciement pour abandon de poste.
  • Dans le cas de la présomption de démission, le salarié ne pourra pas prétendre à une indemnisation de Pôle emploi.
  • L’employeur doit rester vigilant et utiliser à bon escient cette présomption de démission. Le salarié peut la contester devant le conseil des Prud’hommes.

L’absence prolongée du salarié à son poste de travail n’aboutit pas nécessairement à un licenciement. Des cas de motifs légitimes peuvent justifier ce manquement et ne déclencher aucune procédure disciplinaire à l’encontre du salarié. En outre, la nouvelle loi concernant l’abandon de poste offre à l’employeur la possibilité de présumer de la démission du salarié lorsque le décret entrera en vigueur (vraisemblablement au plus tard le 31 mars 2023).

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