Emploi et Handicap
Mis à jour le 14 Juin 2022
Anonyme (non vérifié)
Interview de François Atger, Directeur de la communication de l’Agefiph.
Meteojob : Quelles sont les idées reçues sur le handicap ? Et est-ce que vous constatez des évolutions ces derniers temps ?
François Atger : Les représentations sur le handicap sont en effet souvent déformées et aggravées. Elles tendent à le rattacher à ses manifestions les plus visibles et souvent les plus lourdes: la motricité (le logo du handicap, quelle que soit la nature ce celui-ci, n’est-il pas le fauteuil roulant alors que seulement 2% des personnes handicapées se déplacent en fauteuil roulant) la cécité ou la déficience mentale. Or la très grande majorité des handicaps, le plus souvent invisibles, dès lors qu’ils sont correctement corrigés, permettent des performances professionnelles voisines, voire égales, à celles de personnes dites communément « valides ».
Il est vrai que ces représentations et les comportements évoluent, mais c’est au prix d’un long processus. C’est pourquoi la communication de l’Agefiph cible en première priorité, comme véritable cause à laquelle nous sommes attachés, celle du changement des comportements. Les contraintes, comme le quota d’emploi, sont une étape nécessaire, mais la vraie avancée s’opère dans les têtes.
Meteojob : Y a-t-il une accélération de l'action gouvernementale en faveur de l'emploi des personnes handicapées ?
François Atger : La loi de 2005 a permis de passer du principe de solidarité nationale posé par la précédente législation à celui de l’égalité des droits et de la citoyenneté. Simultanément des calendriers et des objectifs dans tous les domaines (école, université, transports en commun, accessibilité des locaux, etc.) ont été fixés permettant à ce chantier d’avancer plus rapidement que jamais. Dans le domaine de l’emploi par exemple trois ans ont été laissés aux établissements à « quota zéro » (ceux n’employant aucune personne handicapée, ne recevant aucun stagiaire handicapé ou n’ayant aucunement recours au travail protégé) pour faire une première action positive en la matière. Ces entreprises, toutes systématiquement visitées et conseillées par l’Agefiph, se montaient à 27 000 il y a trois ans, et ne se chiffrent en ce milieu d’année 2010 plus qu’à environ 2000. Non seulement l’action publique s’affirme, mais de plus son effet se fait sentir dans les faits.
Meteojob : Est ce que les entreprises se tournent plus volontiers vers l'Agefiph pour leurs recrutements ?
François Atger : L’Agefiph n’est pas elle-même un organisme de placement. L’opérateur qu’elle finance à cet effet est le réseau Cap emploi. Or on constate que de 2005 à 2008 ses résultats de placement sont passés de 46 000 à 58 500, soit 27% de hausse. Naturellement avec la crise nous avons enregistré un tassement de 10%. Mais si les embauches ont ralenties, soulignons que les licenciements ont pour la première fois touché les personnes handicapées moins durement que l’ensemble des salariés : le nombre de demandeurs d’emploi handicapés au cours des douze derniers mois a augmenté de 10%, contre 20% pour l’ensemble.
Meteojob : Avez-vous en tête des exemples d'actions originales menées par des entreprises en faveur de l'emploi handicapé ?
François Atger : Les personnes handicapées, on le sait, ont un niveau de formation et de qualification inférieur à la moyenne des publics (83% n’ont pas le niveau bac, contre 57% pour l’ensemble de la population). C’est le grand problème des entreprises qui recrutent des salariés pour des emplois essentiellement qualifiés. Face à cette situation les banques ne se sont pas contentées de désespérer de cette rareté de main d’œuvre qualifiée qui bloque leurs embauches et donc l’évolution favorable de leur quota de 6%. Elles ont lancé l’opération « Handiformabanque » qui vise à offrir par la voie de l’alternance une formation et un emploi aux personnes handicapées visant une carrière dans la banque.
Meteojob : Comment voyez-vous la multiplication des sites d'emploi dédiés à l'emploi handicapé ?
François Atger : C’est d’abord un signe encourageant : si le marché s’intéresse ainsi aux personnes handicapées c’est parce qu’un réel besoin solvable de main d’œuvre s’exprime. Aiguillonné par l’obligation d’emploi bien sûr, mais pas seulement. En effet les efforts pour promouvoir des causes sociétales comme le développement durable ou la diversité dans les politiques d’entreprises inscrivent l’inclusion du handicap dans l’horizon professionnel. C’est potentiellement un progrès social majeur. C’est aussi justice lorsque l’on mesure que le taux de chômage des personnes handicapées est de 19% contre 8% pour l’ensemble. Il est donc temps que cette catégorie de demandeurs d’emploi trouve sur le marché des outils à la mesure de son besoin d’emploi. En même temps, la vigueur de la demande suscite le développement de produits de qualité diverse, souvent en dessous du niveau attendu. Les outils logiciels offerts sur le marché dédiés à l’emploi handicapé correspondent trop rarement aux attentes. Il ne s’agit pas seulement de proposer des postes en vrac, mais d’explorer, en interaction avec l’intéressé les pistes et passerelles possibles pour lui dans son métier et dans les bassins d’emploi qu’il vise. C’est ce que nous tentons de faire dans l’espace emploi du site de l’Agefiph, qui s’est affirmé comme le premier site spécialisé sur le sujet en France.
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